Tahiti-Pacifique Magazine n° 189, Janvier 2007

 

Oui, JPK a bien été assassiné !

 

 

Comme nous l'indiquions le mois dernier, les circonstances de la disparition du journaliste Jean-Pascal Couraud (dit "JPK"), ancien rédacteur en chef du quotidien Les Nouvelles de Tahiti, qui, dans la nuit du 15 au 16 décembre 1997, disparaissait à l'âge de 37 ans, deviennent de plus en plus claires. Le 6 décembre 2006, le comité de soutien JPK a organisé une conférence de presse pour faire le point sur l'affaire et rappeler que la thèse de l'assassinat ne fait plus aucun doute. Philippe Couraud a alors affirmé sa «certitude que Jean-Pascal a été assassiné» et dénonce un «refus d'enquêter sérieusement» sur fond de «mainmise politique sur le judiciaire».

En effet, les langues se sont déliées à tel point que dans certaines îles de l'archipel des Australes, ainsi que dans quelques districts de Tahiti, plus personne ne doute de la réalité du tragique assassinat de JPK par le GIP (groupement d'intervention de la Polynésie). Actuellement, des conversations de moins en moins feutrées tournent autour d'une explication, et cela alors qu'à Tahiti d'autres anciens membres de l'ex-GIP se manifestent pour apporter leurs témoignages sur la réalité de ce tragique événement. Cette évolution et la banalisation des commentaires rend de plus en plus ridicule si ce n'est carrément suspect, l'acharnement du parquet de Papeete et de l'entourage de l'ex président Flosse pour tenter de démontrer par tous les moyens que les témoignages ne seraient que des « rumeurs fantaisistes », à tel point que certains comparent cette affaire à celle du juge Borel à Djibouti : on tenterait d'enterrer la vérité pour des « raisons d'Etat ».

 

Alors qu'à l'origine tout le monde croyait à un suicide, les facteurs qui ont donné au fil du temps de la crédibilité à la thèse de l'assassinat sont les suivants :

 

- La rapidité et la férocité manifeste du parquet de Papeete vis-à-vis de Vetea Guilloux pour contrer ses révélations faites à un ministre, mais aussi à un gendarme, en fait un acte requis par la Loi. Après une trentaine d'heures de garde à vue et une confrontation avec ces deux personnes, Vetea G. maintient ses déclarations puis se rétracte à 2h 30 du matin. Le procureur est prévenu. Aussitôt, il ordonne l'arrêt des auditions. L'enquête est bouclée sans même avoir informé le juge d'instruction qui avait été chargé de l'enquête sur la disparition de JPK. Vetea Guilloux est jugé en comparution immédiate moins de deux jours après et condamné à 12 mois de prison dont 9 mois avec sursis pour « dénonciation calomnieuse ». Le procureur "pompier" déclarera plus tard à un journaliste « il fallait absolument faire taire ces rumeurs », phrase reprise en novembre 2006 par le substitut Perruaux dans un courrier publié dans TPM. La sentence infligée à Vetea Guilloux était tellement excessive que le 4 octobre 2006 la Cour de cassation annula la condamnation car la peine prononcée est le double de ce que prévoit le code pénal ! En plus, cet péripétie judiciaire est emprunte par une succession d'erreurs et d'atteintes à la procédure vraiment étonnante. Les gendarmes en charge de « l'audition » ont même reçu une lettre de félicitation du procureur pour avoir réussi à faire revenir Vetea Guilloux sur ses déclarations !

- Le refus d'abord, puis la réouverture de l'enquête par des gendarmes bien plus enclins à identifier les « fuites » qu'à collecter et recouper les informations. Ayant nous-même été entendu à deux reprises, nous pouvons en témoigner.

- Comment la gendarmerie (qui avait mis un point d'honneur à exécuter les ordres pour démontrer que Vetea Guilloux avait menti) peut-elle par la suite "déontologiquement" et honnêtement enquêter pour dire qu'il a dit la vérité et que l'assassinat est très plausible ? Ce paradoxe est bien génant !

- Les témoignages recueillis par la famille de JPK.

- Et les témoignages recueillis par Tahiti-Pacifique.

 

Les témoignages recueillis

par la famille de JPK

 

Les nouveaux témoignages recueillis cette année par Olivier et Philippe Couraud, frères de Feu JPK, sont les suivants :

 

- En juillet 2006 un ex-GIP licencié raconte les déclarations de collègues qui l'ont conduit à le persuader de la réalité de l'assassinat de JPK, qu'il connaissait personnellement depuis la fin des années 80. Ces déclarations ont été tenues bien avant les déclarations de Vetea Guilloux, par une des personnes soupçonnées d'avoir participé à l'assassinat. Hélas, cette personne est décédée dans le naufrage du bateau du GIP au large de Rimatara. Le même témoin explique qu'un membre de l'entourage proche de J.P.K. donnait des informations au GIP sur ses déplacements et ses activités. Il est réticent de s'exprimer auprès du juge ou des gendarmes par peur de représailles venant du GIP. Une demande d'audition de ce témoin a été déposée auprès du juge lors de l'audition de Philippe Couraud le 5 octobre 2006. A ce jour, il n'aurait toujours pas été entendu.

 

- Le 1er octobre 2006, un homme (M. X) vient à la rencontre d'Olivier Couraud et lui parle de JPK. Il l'aimait bien, sa femme ayant été la nounou de son fils et Jean-Pascal lui venait souvent en aide (années 1993 &endash;94). L'homme commence à se confier. Il dit avoir assisté à l'enlèvement de JPK vers les 15h30 - 16 heures, mais ne plus se souvenir de la date exacte. Il se trouvait à ce moment là sur les lieux (à Taunoa). Il circulait avec un collègue dans une voiture et suivait de loin le fourgon qui a enlevé Jean-Pascal. Ce fut un enlèvement musclé : homme et dossiers embarqués de force, puis menés à la flottille administrative à Motu Uta. Son collègue et lui les suivent en voiture discrètement. Arrivé sur place, JPK subit un interrogatoire dans le bâtiment de la flottille, à l'étage, interrogatoire dirigé par un responsable, qu'il nomme, plus quatre autres hommes. M.X. et son collègue, également témoin, montent par une échelle derrière le bâtiment et observent la scène…

L'interrogatoire de JPK dure assez longtemps, peut-être une heure et demi. Les dossiers de JPK sont alors emmenés dans une baleinière (chaloupe) de la flottille attaché au quai, puis JPK. S'ensuivent là encore des discussions. Le chef fait des grands gestes. JPK répond aussi par des grands gestes signifiant son ras le bol. A ce moment là les deux témoins de la scène sont découverts sur le toit du bâtiment. Ils sont tabassés et virés (ou sens propre et figuré). La suite M. X ne l'a pas vue, mais on la lui a racontée ainsi : dans la nuit, JPK est emmené de force sur un navire en partance, puis balancé en pleine mer entre Tahiti et Moorea, quatre parpaings de 15 attachés aux pieds. « C'est le chef mécanicien du bateau qui a vu et qui le lui a raconté ». Il dit son nom. Il dit aussi qu'il y a environ une dizaine d'autres témoins qui on tout vu et qui peuvent confirmer. M. X dit avoir porté plainte chez les mutoi (police municipale) mais ceux-ci ne l'ont pas cru. Il déclare avoir reçu la visite de quelques membres de l'ex-GIP il y a trois mois environ pour le questionner et l'intimider. Tout comme il déclare avoir reçu d'un avocat de Papeete (qui défend le GIP) une convocation par "lettre recommandée" et s'y être rendu. On lui a demandé de dire ce qu'il savait, ce qu'il a fait, puis on lui a dit qu'on ne le croyait pas.

Le 2 octobre 2006, vers 19 heures Olivier Couraud retourne sur place pour en savoir plus. Il tourne dans le centre et M. X l'interpelle dans un endroit discret, il est inquiet, nerveux. Il dit avoir eu la visite d'un cadre éminent du Tahoera'a, dont il donne le nom, vers 18h sur son lieu de travail, et dans la journée, chez lui, de quelques ex-GIP venus le questionner. Olivier  demande à M. X ce qu'il faisait à Taunoa le soir de l'enlèvement et celui ci répond qu'il travaillait à ce moment là pour la cellule d'espionnage de la Flottille administrative (ancêtre du GIP). Lui et son collègue ont entendu sur leur talkie-walkie un ordre qui ne leur était pas adressé : « rendez-vous à Fariipiti et enlevez le conducteur de la Suzuki grise immatriculée …. » M. X connaissait parfaitement la voiture de JPK et veut savoir ce qui se passe, « j'aimais bien Pascal, il était gentil avec moi » comme pour justifier sa curiosité. Olivier demande à M. X s'il est d'accord pour témoigner, il répond oui. Ils prennent rendez-vous pour le mercredi 4 octobre 2006 à 19h à la poste de Tamanu.

Le mardi 3 octobre 2006, à midi, 12h00 Olivier voit son frère Philippe, ils rencontrent Me James Lau, leur avocat dans l'affaire et lui raconte l'histoire. Ils prévoient à ce moment là de faire protéger M.X par des moyens privés. Philippe demande à un proche de leur donner un coup de main pour effectuer cette protection. A 18h00, Olivier se rend au centre Tamanu et aperçoit M. X très fébrile, ayant la chair de poule. Il lui dit qu'un gros 4X4 avec vitres fumées et plusieurs gros bras à l'intérieur sont venus chez lui. Il a très peur maintenant. Il dit que c'est une voiture du genre de celle que possède une personnalité politique très, très connue dont il cite le nom. Il dit que plusieurs personnes du Tahoera'a sont passées le voir dans la journée. Il dit n'avoir pas pu dormir. Olivier lui demande de se calmer, qu'on va faire assurer sa sécurité dès ce soir. A 20h30 Olivier Couraud et Fred, son beau-frère qui l'accompagne ce soir là, rencontrent la personne ayant accepté d'apporter son aide pour la protection de M. X, et Olivier lui fait un bref résumé de l'histoire. Ils se rendent au centre Tamanu et Olivier cherche M. X qui semble se cacher. Il sort de l'ombre, il a peur. Il parle en tahitien, oubliant qu'Olivier ne le comprend pas. Olivier lui demande de venir pour lui présenter la personne qui l'accompagne. Il hésite puis le suit. S'ensuit une discussion d'un quart d'heure en tahitien. Notre ami le questionne, M. X se méfie mais parle. Il ne veut plus témoigner seul. Il a donné deux noms. Il veut la présence de deux autres témoins qui pourront témoigner de la deuxième partie de l'histoire de JPK, de celle à laquelle il n'a pas assisté. »

 

Trois témoins sur un toit

 

Olivier part à la recherche de M. X qui ne se montre plus car la présence et les propos tenus par l'ami l'ont semble-t-il effrayés. Fred le retrouve dans le bureau des vigiles. M. X lui dit de ne jamais venir là, il se méfie de certains de ses collègues. Olivier va à sa rencontre et M. X. lui dit qu'il ne veut avoir à faire à personne d'autre qu'Olivier. Olivier s'y engage. M. X confirme qu'il acceptera de témoigner s'il n'est pas le seul. Olivier lui demande un éclaircissement qu'il donne : un troisième témoin était sur le toit avec eux. Il est descendu en premier et s'est dirigé vers la baleinière. C'est à ce moment là que les deux autres restés sur le toit ont été surpris. M. X et Olivier se donnent finalement rendez-vous à 10h le lendemain sur la plage du Tahiti Village. Pas plus tôt, car M. X. veut absolument se rendre d'abord à Carrefour pour acheter des jouets pour ses enfants. A 22h50, Olivier et Fred décident de quitter les lieux. Ils avertissent M. X qui leur dit : « C'est pas grave mon collègue vient d'arriver, ça va aller avec lui ». Il est beaucoup plus détendu, il plaisante, pour extérioriser.

- Le mercredi 4 octobre 2006, M. X ne se rendra à aucun des deux rendez-vous qu'il avait fixés avec Olivier, ni celui du matin à 10 heures, ni celui du soir 19 heures. Le jeudi 5 octobre, Olivier Couraud est entendu par le juge d'instruction Stelmach à qui il fait part des déclarations reçues de M. X. au cours des derniers jours, et mentionne les fortes pressions dont M. X. dit être l'objet pour le dissuader de parler. M. X est entendu l'après-midi même par le juge. Il reconnaît les déclarations faites à Olivier Couraud mais dit maintenant avoir inventé toute cette histoire, s'étant inspiré des articles de journaux. Pourtant il avait donné des détails qui n'ont jamais été mentionnés par le presse, détails confirmés par d'autres témoins.

 

- Le lundi 8 novembre 2006 a donc lieu une confrontation entre Olivier Couraud et M. X devant le juge d'instruction. Celui-ci, comme lors d'une première audition chez le juge, dit avoir inventé toute l'histoire racontée à Olivier Couraud, basée sur des éléments publiés par les journaux. Il dit ne jamais avoir travaillé au GIP. Pourtant, divers proches du témoin ont confirmé à la famille (aucun doute possible selon eux) que M. X avait effectivement travaillé à l'époque pour ce que les gens désignent encore aujourd'hui sous l'appellation GIP. Par ailleurs, il ne peut échapper à Olivier, comme à tous ceux qui connaissent le dossier, qu'il a fourni de son plein gré des détails précis et que le déroulement des évènements tels qu'il les raconte, tout comme les heures indiquées sont tout à fait cohérents.

Le juge pose des questions orientées. Avec le témoin il ne va pas au fond des choses et lui permet de ne pas répondre aux questions de Me Lau, l'avocat de la partie civile qui demande des explications. Quant à Olivier, il n'est pas autorisé à adresser la parole ni au témoin ni au juge. Le témoin simule la surdité. Le juge fait même mine de croire le témoin lorsque celui ci prétend ne pas parler le français (!), ce qui fait que toute la confrontation se déroule avec un interprète. Comme cela avait déjà été fait avec Vetea Guilloux pour tenter de le discréditer, le juge relève bien sûr que le témoin ne travaillait pas au GIP. Affirmation évidente puisque le GIP n'existait pas encore officiellement à l'époque des faits. Les agents qui travaillaient alors dans ces équipes étaient soit des agents de la flottille administrative, soit des agents du SEP, société de gestion de déchets, à laquelle appartenait Vetea Guilloux en fin d'année 97 lors de la disparition de JPK. A l'issue de cette confrontation, Olivier constate que le juge a constamment cherché à le prendre en défaut. Son impression est que le juge se positionne contre la famille et instruit à décharge uniquement, semblant ne vouloir attacher aucune importance aux propos que M. X. reconnaît pourtant avoir tenu spontanément (en français !) auprès d'Olivier Couraud.

 

- Le 11 octobre 2006, Philippe Couraud rencontre pour la première fois un des nouveaux responsables de la flottille administrative (structure dans laquelle travaillent bon nombre d'ex GIP), nommé en février 2006. Il raconte comment, les premiers jours de son entrée en fonction, il avait été invité à prendre un verre un vendredi après-midi par l'équipe de Rere Puputauki, l'ex chef des GIP. Au bout de la 2è ou 3è bière, Tutu Manate déclare de sa propre initiative qu'il n'est pour rien dans la disparition du journaliste popa'a, JPK. Il est immédiatement repris par un de ses collègues qui le traite de menteur et fait allusion aux détails mêmes de la scène de l'assassinat à laquelle Tutu Manate aurait participé. La remarque jette un profond malaise dans toute l'assistance pendant un très long moment. Yannick Boosie, l'adjoint de Rere Puputauki est présent. Cet incident rend très perplexe ce cadre de la flottille. Quelques jours après, Tutu Manate profère des menaces très précises à l'encontre de James Salmon, le ministre de l'Equipement, indiquant que [les GIP] étaient capables d'avoir recours à la violence, y compris contre ses proches. Ce nouveau témoin, cadre de la flottille administrative, sur la base de tous ces éléments (propos tenus, attitudes) considère aujourd'hui que ces hommes ont très certainement commis un assassinat sur la personne de JPK. Il indique être tout à fait disposé à faire part de ces éléments au juge d'instruction. Dès le lendemain (courrier en date du 12 octobre 2006), il est demandé au juge de procéder à l'audition de ce nouveau témoin. Celui-ci n'a toujours pas été entendu par le juge.

 

- Entre-temps, le 18 octobre 2006 Philippe Couraud reçoit un témoignage au sujet d'un film vidéo dans lequel Rere Puputauki téléphonerait à une très haute personnalité politique (dont le nom est cité) le soir de l'assassinat de JPK afin de solliciter des instructions. Ce film aurait été également vu par plusieurs personnes habitant le « quartier Rurutu » (Tahiti). Par courrier en date du 23 octobre 2006, l'audition de cette personne est sollicitée. A ce jour, elle n'a toujours pas été entendue.

 

Le 27 octobre 2006, vers 9 heures, Mme Y. demande à voir Philippe Couraud. Elle connaissait JPK et souhaite raconter ce qui se dit actuellement au sein de la flottille administrative, selon les déclarations d'un employé. Les ex-GIP licenciés impliqués dans l'assassinat de JPK n'étant plus rémunérés par l'administration, certaines personnes (dont elle cite le nom) continuent actuellement à leur verser des sommes d'argent en guise de salaires, car dés lors qu'ils ne seraient plus payés, ils raconteraient tous les détails de l'assassinat de JPK.

 

Les témoignages recueillis par

Tahiti Pacifique

 

- En octobre 2005, nous rencontrons M. Y, jadis un des adjoints de Rere Puputauki. Au cours d'une longue entrevue, cet homme nous a dévoilé (devant témoin) que sur les cinq GIP qui auraient participé à la fameuse partie arrosée de "kikiriri" où l'un d'eux aurait raconté l'assassinat de JPK à Vetea Guilloux, deux seraient depuis décédés de façon pour le moins étrange : l'un, V.C., un sportif de 30 ans en pleine santé, se serait noyé dans 20 cm d'eau d'une rivière et l'autre, F.H., un homme costaud 35 ans, serait mort d'un arrêt cardiaque sur le chantier aux îles Tonga. Mais ce qui est bien plus troublant, c'est que cet homme affirme sur l'honneur qu'il aurait, lui aussi, entendu un témoignage similaire aux affirmations de Vetea Guilloux de la part de l'un des participants supposés liés à la disparition de JPK, et ceci plus d'un an avant les déclarations. En 2003, lors d'un embarquement d'élèves sur le navire Tahiti Nui pour leur transport vers les îles Australes, il avait demandé à Tutu Manate d'assurer que les voitures des familles n'entrent pas sur le quai et lui demanda s'il pouvait compter sur lui : « Tu peux compter sur moi, rappelle-toi ce qui s'est passé avec le journaliste popa'a qu'on a "tutau" ! ». Tutu fut alors tout étonné que M. Y ne comprenne pas. Plus tard, M. Y aborda Rere Puputauki et demanda une explication. Celui-ci répondit : « Ça ne te regarde pas,. Affaire classée ! ».

M. Y affirme avoir raconté cet incidents aux gendarmes lors de son unique audition, et ceux-ci lui ont alors répondu que « ce n'est pas la question ».

 

- Le 15 décembre 2006, une dame Z se présente impromptu à la rédaction de Tahiti-Pacifique magazine à Moorea. Elle explique avoir assisté le 9 décembre à une réunion de famille (dont une branche est originaire de Rurutu). Mme Z raconte comment elle a été le témoin d'une conversation entre deux dames matahiapo (âgées), parentes de M. Tino Mara, l'un des GIP accusé par Vetea Guilloux d'être impliqué dans le meurtre. A la question « comment Tino a-t-il pu faire une chose pareille » l'une a répondu « Tino a expliqué à sa maman qu'il était dans la baleinière, oui, mais qu'il était juste un intermédiaire entre l'équipe et Rere [Puputauki], il était là pour récupérer les dossiers. Ce sont [trois noms sont cités] qui ont fait le sale boulot. » Au sujet des déclarations de Vetea Guilloux [pour lesquelles il a été condamné à la prison ferme], la dame a déclaré « ce que Vetea a raconté est précis, bien qu'il n'était pas là ».

 

Effet contraire

 

Ainsi donc, dans cette terrible affaire JPK, s'amplifie un effet qui semble contraire à celui escompté par le parquet de Papeete. Les divers témoignages cités ci-dessus, qui se rejoignent et se rajoutent à d'autres ne peuvent plus être qualifiées de rumeurs tant ils deviennent précis et concordants.

Les protagonistes et stratèges de "l'étouffement" de cette affaire n'ont certainement pas pris en compte le contexte local, c'est-à-dire des communautés îliennes très soudées de populations foncièrement honnêtes où le mensonge est contraire à la norme, mais encore « l'effet loupe » d'une micro société dans laquelle finalement tout se sait.

 

Rappelons que lors de sa condamnation, Vetea Guilloux avait aussi été sanctionné pour ses révélations sur la "cellule espionnage" du GIP qualifiées de « fantaisistes », révélations pourtant superbement confirmées par la suite non seulement par le rapport d'enquête n°278/2005, intitulé « Existence d'une "cellule d'espionnage" au sein de la Présidence du Territoire de la Polynésie française », de la compagnie des îles-du-Vent de la Gendarmerie nationale, mais encore par le rapport de la Chambre territoriale des comptes sur la Présidence de la P.F. Suite à ces rapports incontestables qui énoncent des délits graves, à notre connaissance, aucun des responsables ne semble avoir été mis en examen. Pourquoi ? Aussi, suite à l'annulation par la Cour de cassation, le nouveau procès de Vetea sera « dépaysée » et rejugée devant un tribunal à Paris, ce qui semble indiquer que le tribunal de Papeete pourrait être « influencé ». Une suspicion que renforce les acquittements répétés et franchement scandaleux de Rere Puputauki, notamment celle du 24 janvier 2006 lorsque « l'amiral », comparaissait devant le tribunal correctionnel de Papeete pour répondre de la mort d'un membre de son service et que le procureur de la République a recommandé l'abandon des charges car Rere « était bien chef de service, mais il n'était pas employeur » car ce dernier ne pouvait pas être tenu responsable puisqu'il n'y avait « pas de preuve que Léonard Puputauki ait bénéficié d'une délégation de pouvoir en ce qui concerne la sécurité du GIP » (sic !). Pourtant un arrêté du conseil des ministres, que personne n'a produit, avait donné tous les pouvoirs à Rere. Mais encore, comme « le GIP dépend de la présidence, on peut donc considérer qu'à l'époque, le chef [du décédé], c'était Gaston Flosse » mais, bien sûr comme l'a expliqué l'avocat de Léonard Puputauki, « la prescription de trois ans », applicable dans ce genre d'affaires, « était acquise pour Gaston Flosse ». Ceci pourrait expliquer la lenteur de la procédure de cette affaire, plus de 5 ans… A Tahiti, le Parquet lave-t-il (certains) plus blanc que blanc ?

N'oublions pas non plus les échos qui parviennent des îles Australes où la population est admirative devant les superbes voitures de certains ex GIP et d'une superbe maison, avec du marbre SVP, construite par l'une des personnes accusées par Vetea Guilloux alors que son salaire n'est qu'un peu au-dessus du Smig.

Un autre événement vint encore conforter la suspicion d'un "enterrement" judiciaire de l'affaire. Le 10 novembre, M. Stelmach, juge d'instruction qui conduisait depuis peu l'enquête sur la disparition de Jean-Pascal Couraud, a demandé à être déchargé du dossier en spécifiant un « renvoi devant une autre juridiction dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice ». La "patate" serait-elle devenue vraiment trop chaude ? A moins que ce soit parce que l'absence de juge d'instruction ne permet plus aux gendarmes d'auditionner de nouveaux témoins, ce qu'ils ont confirmé à Philippe Couraud. Ce « gel » soudain de l'enquête est d'ailleurs la raison principale pour laquelle l'association a fait appel aux médias.

 

Un tout qui a fait que l'association Reporters Sans Frontières exprime sa solidarité (en français et en anglais) avec un « nous rejoignons l'appel du comité de soutien et demandons aux autorités judiciaires de Polynésie de ne pas écarter la thèse de l'assassinat de Jean-Pascal Couraud pour ses activités professionnelles. Il faut que tous les témoins qui peuvent contribuer à faire la lumière sur cette affaire soient entendus ».

Ce qui pour l'instant est impossible car, suite à l'absence de juge d'instruction (aucun remplaçant n'a encore été nommé), les gendarmes ne peuvent rien faire.

 

Certains observateurs (paranos ?) osent penser que la rapidité de la motion de censure (qui a remis fin décembre le Tahoera'a au pouvoir à Tahiti) aurait été commandée par l'urgence de redonner des emplois rémunérés à une trentaine de GIP chômeurs devenus bien bavards.

 

Machination ?

 

Hélas, le plus grave dans cette affaire est certainement que l'image de l'impartialité de la justice à Tahiti, tout comme celle de la gendarmerie, est bien malmenée, ce qui est désastreux pour un bon fonctionnement démocratique. Certains magistrats du monde judiciaire de Papeete avouent d'ailleurs une « grande tension » et un « moral bas au Palais [de justice] ». Serait-ce dû au fait qu'un haut magistrat pourrait se croire investi par une sorte de "mission divine" qui consisterait à orchestrer une machination (à laquelle certains juges accepteraient de participer) pour protéger par tous les moyens l'ex GIP et son chef Rere Puputauki qui, s'il était condamné, pourrait mettre en danger le sénateur Flosse, lequel à son tour pourrait alors mettre en danger « les plus hautes sphères de l'Etat » ?

L'avenir nous le dira…

 

Alex W. du PREL

Sources : témoignages, site www.soutienjpk.org, archives TPM, Le Monde, Libération, Reporters Sans frontières, etc., etc.